} Contexte

Ragnar regarda de nouveau la lettre comme si son contenu était écrit dans une langue inconnue. Mais chacun des mots avait un sens, et tous regroupés ainsi, lui donnaient le sourire. Il la replia soigneusement avant de la glisser dans sa poche. Il se leva, et tira sa lourde malle vers son lit bien replié. Il avait déjà dit au revoir à ses parents, et rangé soigneusement toutes ses affaires. Habillé de sa nouvelle cape d’uniforme rouge sang, il s’assit sur la malle, et posa en travers de ses genoux une cage contenant un corbeau à fière allure. Il attrapa un objet brillant qui trônait sur son bureau. Un caillou, tout simple, gravé d’une rune dont il ne connaissait pas la signification. Il la serra dans sa main et jeta un œil à la pendule. 11h59.

L’aiguille pointa midi, et aussitôt, il ressentit une désagréable sensation de tiraillement, comme si un crochet accroché à son nombril le tirait en avant. Ragnar crût bien que sa valise allait tomber, alors il resserra sa prise sur cette dernière. Pris dans un tourbillon de couleurs qui lui donnait la nausée, il ne put respirer convenablement qu’une fois le plancher des vaches retrouvé.

Posant la cage de son oiseau à terre, Ragnar leva les yeux. Devant lui, une marée d’élèves envahissait ce qui semblait être une plage, au bord d’un lac si profond qu’il en était noir. Tout autour, ce n’étaient que montagnes et verdure. Mais le plus impressionnant était le vaisseau à l’aspect délabré et fantomatique un peu plus loin devant eux, et les centaines de barques manifestement prévues pour y amener les élèves qui se pressaient déjà devant.

Une voix féminine, dure et sèche, appela les premières années. Des centaines de têtes se tournèrent vers une imposante femme vêtue d’une cape bleu nuit. Son chapeau assorti pointait dangereusement sur le côté, donnant l’impression qu’il pourrait tomber à tout instant. La femme les scruta d’un œil sévère, et leur fit signe de la suivre.


« Laissez vos bagages, les elfes vont s’en occuper. »


Ce n’était pas un conseil, c’était un ordre. Les élèves, plus ou moins perturbés, se mirent à emboîter le pas à la sorcière qui s’avançait déjà vers la forêt à leur gauche. Ragnar ne comprenait pas plus que les autres, et suivit le mouvement sans savoir de quoi il s’agissait. La sorcière resta silencieuse, tout le long de leur randonnée improvisée dans la forêt. Ils s’y enfonçaient de plus en plus, la pente était de plus en plus escarpée, et le soleil filtrait à peine à travers les branches des sapins.

Au cours de la marche, ils croisèrent nombre de créatures magiques qui semblaient les fuir. Pas étonnant, pensa Ragnar, vu le troupeau informe qu’ils étaient. Il se surprit à sourire en voyant une petite fée s’envoler d’un arbre pour rejoindre ses congénères qui les observaient de plus loin. Au bout d’une heure de marche, les premières plaintes se firent entendre. Les pauvres jeunes filles qui avaient sortis leurs talons pour la rentrée se trouvaient bien embêtées. Ragnar lui, avançait toujours.

Il fallut encore une heure de marche dans les roches et un peu d’escalade pour arriver enfin au bord d’une falaise. Ragnar ne s’aventura pas au bord, personne ne le fit. Mais en revanche, sur un gros caillou à l’air pas très stable, se tenait un nain à l’air pas très amical. Entre ses mains, une corne à l’aspect vieillot.


« Un peu de silence ! » réclama la sorcière au chapeau bleu nuit


Aussitôt, les bavardages et chuchotis se calmèrent. Les nouveaux élèves portèrent tous leur attention sur le nain et la sorcière, qui sortit un long rouleau de parchemin qu’elle déroula sous leur nez.


« Bienvenue à Durmstrang. Vos efforts de cet après-midi seront bientôt récompensés. Mais avant, il nous faut vous répartir dans nos quatre sections. Tout au long de votre scolarité, vous serez un membre éminent de cette section, chacune possédant ses propres locaux dans le château, et chacune avec ses spécificités et ses équipes sportives. Plusieurs tournois seront organisés au cours de l’année. Faites honneur à votre section, pour ne pas que les autres vous y obligent. Fjalar ici présent est celui qui annoncera dans quelle section vous irez. »


Elle désigna le nain d’un signe de main. Celui-ci se redressa de toute sa petite hauteur et brandit sa corne. Il parlait vite, d’une voix nasillarde.


« Vous soufflerez là-dedans. J’annoncerai ensuite le nom de votre section. Les plus imaginatifs d’entre vous iront à Hanarr, les plus méticuleux à Andvari. Ceux qui jouent de la force seront accueillis par Dvalin, ceux qui préfèrent la matière grise à Alvíss. Il n’y a aucune façon d’en changer. Et après, il vous suffira de sauter. »

Disant cela, il désigna le vide derrière lui. Un murmure de désapprobation parcouru l’assemblée. Il n’y avait pas grand-monde qui avait envie de sauter à bas d’une falaise, magie ou non. Ragnar se surprit à trembler, mais il eut le bon sens de se dire qu’ils n’allaient pas tuer leurs élèves, et qu’il devait y avoir quelque chose de prévu pour éviter qu’ils ne s’explosent en bas.


« Qui donc veut commencer ? » demanda la sorcière


C’était une épreuve de courage. Le premier à s’avancer donnerait l’impulsion aux autres. Ragnar hésita un instant, et fut le premier, avec un autre garçon qui le dépassait au moins d’une tête, à lever la main. Le nain le désigna lui. Il s’avança alors, les jambes flageolantes. Il prit la corne qu’il lui tendait, en faisant attention de ne pas la laisser tomber. Il la porta à ses lèvres, et un son clair retentit, qui ressemblait fortement à celui d’une flûte à bec. Il regarda le nain sans comprendre.


« Andvari. » dit-il simplement, avant de désigner le vide qui s’étendait sous ses pieds


Ragnar regarda en bas. Les petites ondules à la surface du lac venaient se briser au bord de la falaise. Il n’avait aucune idée de la hauteur, et ne voulait pas le savoir. Le bateau avait bougé, et était ancré non loin de la zone dans laquelle il allait manifestement plonger. Ragnar préféra quand même la sécurité. Il recula de plusieurs pas, et courut vers le bord, se donnant un élan qu’il jugeait suffisant, avant de sauter en bouteille dans le vide.

Sa chute fut courte, mais l’impact avec la surface de l’eau ne fut pas aussi brutal qu’il l’aurait cru. Certainement qu’il y avait de la magie là-dessous, puisqu’il tomba en douceur dans l’eau glacée du lac. Remontant bien vite en surface il regarda autour de lui. Des cris et des applaudissements l’invitaient à rejoindre le vaisseau de l’école. Ragnar nagea vers l’embarcation, et s’accrocha à l’échelle de corde qu’il grimpa jusqu’au pont de bois. Un sorcier à l’air plutôt âgé le sécha d’un coup de baguette et lui tendit un morceau de chocolat.

Des tapes sur son épaule, des rires, des étincelles dans tous les coins. Durmstrang était réputé pour sa discipline, mais ici prévalait le courage, et ce jour-là, Ragnar était accepté dans les rangs des fiers du Nord.